Shadoks

Un souvenir du Soixantenaire Maraudeur

Patrimoine : J.J. Herbulot, l'inventeur de la plaisance moderne... et l'architecte de notre cher bateau !
Ci-dessous, article paru en 1997 dans la revue "Bateaux"

 

 

François Sorel, nouvel adhérent à notre AS, vient de nous expédier un article tiré de la revue Bateaux de février 97 que je trouve superbe : Mise en page soignée, un crayonné de Jean Jacques Herbulot, par Nicolas Gilles, un excellent texte de Damien Babinet et surtout une photo de régate de grande qualité. C'était quand même chouette, les Marauds de l'époque, avec leurs voiles de couleur! En regardant bien, il n'y a que des" Bois" (ou bois plastique) et deux " Deux bosses". Ce qui laisse à penser que ce cliché date de 64 ou 65, et qu’il a été très probablement pris lors d’un Critérium Ile de France organisé par le Cercle de Voile de Vaux sur Seine, berceau de notre Association.

1997_jj_herbulot

Jean-Jacques Herbulot

Avec ses idées iconoclastes, il a largement participé à l'explosion démocratique de la voile, lorsqu'elle n'était encore que le "yachting".

Un premier voilier construit à l'âge de 9 ans

La chevelure blanche adoucit un regard d'aigle, aussi vif que les bouchains de ses voiliers. L'homme qui mit la plaisance à la portée du plus grand nombre est confortablement installé dans un immeuble bourgeois de la capitale, témoin d'une carrière sans faille dans le nautisme, mais aussi dans le bâtiment...

Architecte DPLG, Jean-Jacques Herbulot a toujours conservé des responsabilités à la mairie de Paris. Dans les années 40, il est vrai, la plaisance avait un côté saltimbanque qui ne convenait pas à un professionnel désirant gagner honorablement sa vie.

Sa carrière commence bien modestement avec l'Argonaute, un voilier conçu pour l'apprentissage. Cette première commande est déjà un succès: 40 exemplaires seront construits pendant la guerre.

Paradoxe, ce bateau-école est le fruit des réflexions d'un talentueux régatier, barreur de Star aux jeux Olympiques en 1932 où il termine quatrième, puis sixième à Kiel en 1936.

La passion de la régate a longtemps poursuivi l'auteur du Vaurien puisqu'il participe encore aux jeux de Melbourne en 1956, à bord d'un 5,50 m JI.

Autre illustration de son goût pour la performance, le spi avec une coupe en chevron, qu'il met au point après-guerre. Véritable révolution pour l'époque.

L'Argonaute est sa première commande mais pas son coup d'essai. Dès l'âge de 9 ans, il construit son premier voilier puis, en 1942, un dinghy portant environ 10 m2 de toile baptisé Ponant, fait de bric et de broc mais qui lui permet d'oublier un peu les affres de la guerre.

L'inventeur de la plaisance moderne

Quelques années plus tard, lorsque Philippe Vianney inaugure son école des Glénans, il se fait offrir quelques Argonaute qui n'ont pas trouvé preneur et rentre du même coup en contact avec Jean-Jacques Herbulot. Très vite, Philippe Vianney a le désir de créer des bateaux conçus pour son école. C'est ainsi que naissent les Vauriens, Corsaire, Caravelle, Mousquetaire (et bien sûr Maraudeur). La liste est longue.

Travailler pour les Glénans, c'est s'inscrire dans une logique faite de simplicité et d'économie. L'amour de Jean-Jacques Herbulot pour le contreplaqué épouse parfaitement cette philosophie, en complet décalage avec une époque où l'on ne pouvait envisager de partir en croisière à bord d'un bateau dépourvu d'une penderie pour ranger le blaser du skipper.

Le yachting ne s'appelle pas encore nautisme, mais déjà le père du Vaurien déploie ses panneaux de contreplaqué et invente des formes adaptées à ce matériau, les fameux bouchains qui accompagneront la quasi-totalité de sa carrière.

Au fil des années, le contreplaqué s'adapte, les colles deviennent de plus en plus performantes, le joint-congé se développe et, avec un peu de métier, on parvient à arrondir les angles - comme sur la série des Beaufort - jusqu'à faire disparaître les bouchains vifs (cas notamment du Maraudeur).

Dans les années 70, le Figaro signe son retour.. et l'on assiste à l'avènement du dieu Polyester

Mais cette fidélité à un matériau qui l'a fait roi de la plaisance démocratique, vaut à Jean-Jacques Herbulot d'être détrôné par le "dieu polyester", une technique pour laquelle il n'a pas la même fibre créatrice. Dans les années 70, il connaît un bref retour en grâce, avec le Figaro, un croiseur côtier destiné à la construction amateur.

Mais le coeur n'y est plus. On reste bien loin de la "folie" des années 50. A cette époque, la Redoute vendait des draps et des saladiers portant la silhouette du Vaurien en effigie. La grande distribution comme panthéon de la plaisance pour tous.