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Catégorie : Où Marauder ?
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logo articles 3235  36 plan girondeLa Gironde

Un plan d'eau peu pratiqué.

Pourtant il est vaste et plein d'attraits.

Notre ami Michel nous invite à le découvrir.

 

 

Chers amis Marauds,

Cela fait plus de vingt cinq ans que je fais partie de l'association, et je n'ai pas beaucoup participé ! Saisi de remords, je vous envoie cette lettre pour vous parler un peu de mon bateau, mais surtout de la Gironde.

Ça commence en 1977. Enfin installé dans la vie, j'envisage de donner libre cours à mes passions, dont les bateaux. La voile me fascine, mais je ne l'ai jamais abordée, et ça me fait un peu peur. Aussi dans un premier temps me contentai-je de me procurer le "Nouveau manuel de navigation des Glénans", histoire de faire connaissance. Je trouve ça très bien, surtout la page consacrée au Maraudeur ! Ce bateau me fait envie ! Il est joli, il correspond à ce que je veux faire, il peut se manier seul (je suis un ours !...), il n'est onéreux ni à l'achat, ni à l'entretien, et au cas où notre idylle ne serait pas ce dont je rêve, il semble bien revendable.

Limousin d'origine, je passe à l'époque mes moments de repos dans la région. J'achète donc le bateau (un Spair neuf, numéro de voile 2283), le moteur (un Mariner de 4cv qui s'avèrera trop lourd et trop puissant pour la navigation en lac, et la remorque. Et j'emmène tout ça (plus le manuel !...) au lac de Vassivière. Dès le printemps, manuel dans une main et stick dans l'autre, je commence mon apprentissage. L'idylle est au rendez-vous, et que ce soit en régate ou en promenade, je vais me régaler durant plusieurs années.

Le bateau est baptisé "FOUAF" (onomatopée reprenant la récrimination la plus fréquente de mon équipière de l'époque !), et l'accastillage reste celui, minimaliste, d'origine, à l'exception d'un coinceur pour l'écoute de grand-voile (je n'avais pas assez de mains pour tenir le stick, l'écoute et le manuel...)

En 1984, une nouvelle équipière arrive dans ma vie, qui me fait découvrir les bords de la Gironde, où elle a l'habitude de passer ses vacances d'été. C'est ainsi que FOUAF saute sur sa remorque dès la fin des régates de printemps, direction Royan ou plutôt le charmant petit port de Saint Georges de Didonne, blotti contre son ancienne jetée, sous son vieux phare.

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Port de Saint Georges de Didonne
p.2 Port des Meschers

Plusieurs étés se passent ainsi, jusqu'à ce que les circonstances de la vie finissent par relâcher mes liens avec le Limousin pour les renforcer avec la Saintonge.

A partir de 1994, FOUAF s'installe donc définitivement dans le ports de Meschers, plus grand, mieux équipé (pontons, shipchandlers, bistrots...), et tout aussi charmant.

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Port des Meschers

Depuis, je n'ai plus régaté, et tel un Christophe Colomb de pacotille, je me suis consacré à l'exploration de l'estuaire. C'est particulier, un estuaire ! L'eau est marron, et on ne voit pas à dix centimètres de profondeur. Quelquefois, cependant, j'ai navigué sur de l'eau claire et verte (en particulier pendant la canicule de l'été 2003) lorsque la Garonne et surtout la Dordogne ne charrient pas trop de terre !

Il faut tenir compte en permanence des courants qui peuvent dépasser trois nœuds. La Dordogne et la Garonne ne se rejoignent pas réellement au Bec d'Ambès ; jusqu'à Royan, la première coule au nord et la deuxième au sud, leurs lits étant séparés par des hauts fonds, voire des bancs qui découvrent à marée basse. Tout cela crée un système de courants assez variables, ceux-ci allant même jusqu'à s'inverser dans le fond des baies par effet de tourbillon.
- Ces courants de rivière et surtout de marées, ajoutés à la houle venant du large, provoquent par endroits et par moments un clapot qui peut être assez sec.
- A l'époque où je ne m'en méfiais pas assez, il m'est arrivé de casser du matériel (aiguillot de safran, câble de dérive) sur les très durs clapots croisés que l'on rencontre au dessus des hauts fonds. Les vents sont réguliers, et en général du nord-ouest. Quand les coefficients de marée sont supérieurs à 80, et que vent et courant sont de même sens, ce n'est pas la peine de sortir avec notre petit Maraudeur, sous peine de ne plus revoir le port de départ !

Les marées rythment la vie de l'estuaire. A marée basse, seuls les grands ports tels que Royan sont accessibles. D'énormes étendues de vase sont découvertes et des épaves apparaissent çà et là. A marée haute, les pêcheurs sont de sortie avec leurs barques multicolores, installées sur les bancs.

A la saison touristique, du 1er juillet au 15 août, s'y ajoutent une multitude de véhicules aquatiques malheureusement souvent bruyants et irrespectueux des autres et de l'environnement.

p.3 Port des Monards

Mon terrain de jeux s'étend de la ligne Royan / Port Bloc à Saint Seurin / Goulée ; c'est le maximum que je puise faire en une marée. C'est aussi le lieu de travail de beaucoup de monde : Les cargos à destination ou en provenance de Bordeaux et de Pauillac, qui empruntent le chenal maritime, mais qui ne sont plus très nombreux et passent surtout à marée basse pour être à marée haute à Bordeaux, les porte conteneurs qui escalent au Verdon, et qui ne sont également pas très nombreux, laissant quelquefois la place, en saison, à des navires de croisière qui offrent un but de promenade. J'ai d'ailleurs failli entrer dans l'histoire et dans le NORWAY alors que lui, tranquillement amarré au terminal et FOUAF, victime d'un relâchement soudain de l'écoute de grand-voile à grande (relativement...) vitesse et à petite (très) distance, se sont découvert une attirance que j'ai eu grand peine à maîtriser, sous les regards terrifiés (ou amusés) des croisiéristes amassés à la lisse quelques dizaines de mètres au dessus.

Les sabliers qui draguent sur les platures de Cordouan et viennent débarquer à Royan, aux Monards et à Mortagne sont une vision familière durant toute l'année.

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Le Port des Monards

Mais c'est surtout la pêche qui donne la vie à l'estuaire. Jadis, l'esturgeon fréquentait ses eaux et Saint Seurin était un haut lieu de cette industrie. Il y a d'ailleurs des tentatives de réimplantation de l'animal. A Saint Seurin, , une auberge sert de l'esturgeon et du caviar (d'élevage pour l'instant !), mais surtout affiche sur ses murs une jolie collection de photos du siècle dernier consacrée à cette activité.

Actuellement, c'est le maigre, gros poisson migrateur très goûteux qui est pêché aux filets par les petites barques dont chaque port possède quelques unités.

C'est un de mes grands plaisirs, après une navigation éprouvante, de ranger le bateau, de m'installer à la terrasse du café du port et de siroter un verre de rosé de pays charentais accompagné d'une tartine de rillettes de sardines, en regardant les pêcheurs débarquer leurs prises qui sont envoyées par camions vers la criée de La Rochelle.

En automne, le plus gros bateaux, munis de larges filets poussés devant l'étrave, vont pêcher la civelle, jeune anguille très prisée des Espagnols qui absorbent pratiquement toute la production (et c'est bien dommage !)

La côte nord est une succession de baies et de falaises.

Royan ne présente pas beaucoup d'intérêt pour nous : Trop grand, trop encombré et trop cher, mais on y trouve toute la logistique dont on peut avoir besoin (et nos épouses aussi...).

p.4 Port des Meschers

En remontant vers l'amont, après la pointe de Vallières, c'est la baie de Saint Georges, avec sa longue plage et son petit port, joli mais pas très pratique : port d'échouage, mouillage sur coffres, mise à l'eau par la plage avec le risque de mettre à l'eau la voiture avec le bateau !

Jusqu'à Meschers, de hautes falaises entrecoupées de petites criques et jadis peuplées de troglodytes, dominent l'estuaire. Meschers est un port bien abrité (lors de la tempête de décembre 99, je n'ai eu a déplorer que la girouette tordue à 90° !) et suffisamment bien équipé pour nous, comme je l'ai déjà dit plus haut. Il y a un bassin à flot et un bassin d'échouage ; je préfère ce dernier, car il est plus typique, moins cher, et, parfois, on peut encore y accéder, alors que les portes du bassin à flot sont déjà (ou encore) fermées . Le port est accessible de PM-3 à PM+3, voire P-4 à PM+4 lorsque les coefficients de marée sont faibles. Inconvénient, comme dans tout l'estuaire : Un envasement considérable.

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Port de Meschers

En continuant vers le Sud-Est, la côte devient plus basse ; Talmont, le "Mont Saint Michel" saintongeais, est le but de promenade privilégié des gens de la région et des touristes. Son port minuscule n'offre que quelques appontements privés appartenant essentiellement à des pêcheurs.

Enfin, la description de cette côte serait incomplète sans citer les très nombreuses cabanes à carrelets, perchées sur leurs estacades, particulièrement représentatives du littoral charentais.

Pour accéder aux Monards et à Saint Seurin, il faut embouquer des chenaux tracés dans une végétation semi-aquatique servant de refuge à une multitude d'oiseaux, et si l'entrée des Monards est facilitée par un poteau qui la balise et par l'appontement, bien visible, des sablières, celle de Saint Seurin est très difficile à trouver.

Mortagne est le dernier "grand" port de cette côte avant Blaye, beaucoup plus au sud. Son ancien bassin à flot accueille des unités assez importantes.

Mais déjà, on aperçoit sur l'horizon, au bout d'un rivage devenu bien plat, les tours de la centrale nucléaire du Blayais, et si l'on veut rentrer tant qu'il reste de l'eau, il est temps de faire demi-tour en espérant que la marée descendante rendra les bords à tirer moins longs.

p.5 Port de Richard

Sur l'autre rive, la côte médocaine présente une physionomie bien différente : Très plate et marécageuse, ses ports se trouvent au fond de longs chenaux et possèdent encore, parfois, une cale en pierre, vestige de l'époque où les vins du cru étaient transportés par des barges à voiles. A l'embouchure, Port Bloc, qui est le port des bacs, des baliseurs et des pilotes de l'estuaire, et le terminal conteneurs, encadre la baie de la Chambrette, où un nouveau grand port de plaisance est en projet.

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Port de Richard

Pour de telles navigations, j'ai équipé FOUAF en 5e catégorie, ce qui n'est pas très contraignant pour un bateau insubmersible et de moins de 5m de longueur (gilets, feux à main, ancre, compas, feux de navigation à pile, lampe torche, pharmacie et quelques bricoles).

La grand voile s'est enrichie de deux bandes de ris ; seul à bord, le bateau est très ardent, et à mon âge, je n'ai plus envie de lutter contre des éléments stupides et violents !

Coté moteur, le Mariner 4cv avait cédé la place à un Honda 2cv, mais si le premier était trop lourd et trop puissant pour la navigation en eau douce, le second s'est avéré trop juste pour la mer quand, faute de vent, mais pas de courant, il faut rentrer dare-dare pour éviter de passer la nuit sur un banc de vase !

Le problème a été résolu par des voleurs, qui, à la fin des vacances d'été, viennent de nuit en Zodiac depuis le Médoc pour s'approvisionner sur l'autre rive (dixit la gendarmerie qui connaît le problème mais n'y peut pas grand-chose...).

Maintenant, j'ai un 3cv Mariner qui est parfait et bien accroché au bateau ! Je préférais le 4 temps du Honda pour sa propreté, son silence et son économie (et par principe), mais le 2 temps est plus pratique, car on peut le stocker dans n'importe quelle position, sans avoir de fuites ou de remontées d'huile.

Au fil des ans et des besoins, quelques petites modifications ont été faites pour me rendre la vie à bord plus facile :

- Un long filin est capelé à demeure sur la ferrure de la drisse de spi ??? Est-ce e filoir par où passe la drisse de spi, en partie supérieure du mât. Il est souvent remplacé par une poulie (je n'utilise pas cette chose là, trop compliquée en solitaire), son autre extrémité est lovée au pied du mat.
- Un taquet est monté sur le toit du roof, immédiatement à gauche de la descente.

Les opérations de dématage sont les suivantes :
- Le filin, délové, est passé par la ferrure d'étai sur le pont, Il y a un œil ? puis tourné sur le taquet du rouf en l'étarquant suffisamment pour étayer le mat
- Le foc, débarrassé de ses écoutes, est saisi sur l'enrouleur avec la bosse de celui-ci.
- Les écoutes de foc sont frappées au pied du mat sur la ferrure de hâle-bas de bôme, directement depuis les guides des coinceurs, en passant par l'intérieur des haubans, puis étarquées.
- L'étai, équipé du tube d'enrouleur, est démanillé de sa ferrure basse, puis saisi le long du mât avec une garcette..
- L'opérateur se place alors dans la descente, et en même temps qu'il soutient le mat, il libère le filin du taquet, le laisse filer en même temps qu'il recule dans le cockpit en soutenant le mât qui pivote autour de la ferrure de hâle-bas, immobilisée par les écoutes de foc.

Cette opération se fait bateau à l'eau, et non pas sur la remorque.

Après avoir fait ce qu'on a à faire sur le mat, le re-matage se fait exactement à l'inverse, en ayant pris soin d'avoir laissé ou remis les haubans en place, ne pas avoir mélangé drisses et filins, et d'avoir bien positionné le mât, pied au dessus de son logement, immobilisé par les écoutes de foc.

Ce système, après quelques épiques tâtonnements, me donne entière satisfaction.

Voila, j'espère que ces notes vous intéresseront, et je vous souhaite à tous bon vent et pas trop de courant.