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Catégorie : Récits de Maraudeur
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Quarante huit ans, presque cinquante, ça mérite bien l'appellation "Vieux Gréement" ? En tous les cas, pas plus, pas moins que les Mousquetaire, Corsaire, et autres plans Herbulot !petit_s
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Quarante huit ans, presque cinquante, ça mérite bien l'appellation "Vieux Gréement" ?
En tous les cas, pas plus, pas moins que les Mousquetaire, Corsaire, et autres plans Herbulot !

Petit mais fier

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Bref nous voilà avec Eliot, notre bon vieux (vieux pour l'occasion) engagé dans une régate de vieux gréements à l'occasion des fêtes maritimes de Ploumanac'h.

La course sera courue selon la jauge Cancalaise. Je doute d'en maîtriser toute les subtilités. Ce n'est pas grave. Personne n'est regardant et chacun est là pour s'amuser. Le maraudeur est positionné en classe 4 avec tous les gréements Marconi à caractère ancien. Eliot parait bien petit au port mais d'une longueur supérieure à 4,50 nous sommes autorisés à régater en mer. Ouf, on ne restera pas avec les petit misainiers dans le chenal du port. Ouf si on veut car le parcours annoncer paraît bien long et la météo sans être méchante nous promet bruine et vent.

La remorque mal crochetée sur la boule part beaucoup plus vite que prévu à l'eau et anime ainsi de quelques anecdotes l'avant course. Une fois le record de la mise à l'eau battu nous voilà fin prêt. Nous ne gréons pas le spi. On ne se sent pas assez aguerri pour tenter la manœuvre au large. Dommage car dans une régate conçue pour des gros tonneaux très mauvais capeurs, les bords de portant sont très largement majoritaires.

Samedi matin 8h00 la bruine est au rendez vous. Ce sera une vraie fête bretonne. Le port qui a fait la fête tard dans la nuit se réveille. Les équipages s'animent.

Les bateaux larguent les corps-morts. Un à un, ils s'engagent dans le chenal bien indiqué par des perches plantées au milieu des blocs de granit rose. Juste à l'entrée du chenal, le château de Costaérés nous dévente un peu avant d'atteindre la mer. C'est un gigantesque plan d'eau, magnifique, bordé par la côte de granit rose et la baie de Perros-Guirec avec pour fond les 7 îles et l'île Tomé. Nous longeons quelques gros massifs, passons le phare de Plou et arrivons sur zone.

La procédure de départ est lancée à 10h00. C'est une procédure 8 minutes ?? (8, 4, 1, départ). Départ grand largue. Moi qui avais potassé à fond le Réglitacter me voilà bien avancé ! J'ai l'impression de ne pas être le seul. Y a pas grosse bagarre sur la ligne. A tel point que je passe la ligne plusieurs minutes après le départ dans les 15 premiers. Pas si mal finalement !

Le bateau marche bien. On arrive à la première bouée à proximité de Tomé. Quelques dizaines de mètres avant de virer je dis à maman (c'est ma coéquipière du jour, choisie pour sa connaissance du plan d'eau et de ses courants) « tiens regarde derrière le beau corsaire ». Il y a effectivement un beau corsaire jaune avec une sorte de lapin sur l'étrave qui arrive hors course à toute vitesse sous spi. Arrivé à notre hauteur, le barreur crie « MARADEUR » avec un air réjouis. Et là je reconnais Robert Humbert. On échange rapidement quelques mots. Il me demande pourquoi je n'ai pas sorti le spi (...) On n'a pas le même niveau. Lui continue sa route et probablement son entraînement avant le national Corsaire qui se déroule la semaine qui suit. Nous virons la Fronde. Voilà une rencontre éphémère, inattendue et surtout fort sympathique. L'esprit maraudeur est là.

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Il est midi. Le temps se dégage. Nous n'avons rien pour mouiller. Pas grave il y a plein de grosses unités prêtes à nous héberger sur leur arrière. Ce n'est pas nos quelques 350 kg qui risquent de faire déraper les ancres de ces mastodontes. Le départ de la seconde manche se fera vers 15h00. Nous avons donc 3h de pose. Nos hôtes nous offrent un whisky : « irlandais ou highlander ». Quelle classe ! On mange nos casse-croûtes, un fruit, allez deux pour passer le temps. Il est 13 h00. Encore deux heures au soleil à se faire ballotter d'un bord sur l'autre. Deux heures c'est long. A 14h30 on grée et repart vers la ligne de départ. Même si le vent contre courant a bien creusé le plan d'eau, on sera toujours mieux sous voile.

Deuxième départ. Un zodiac circule et annonce le temps restant avant le début de la procédure. Le comité a du se rendre compte que la première avait été mal comprise. La ligne est large, on part toujours grand largue donc pas de bagarre pour une place. Au coup d'envoi on est quatre ou cinquième.

On profite d'un vent régulier qui a un peu forci et d'une belle houle. Le bateau surf. C'est extra. Tellement extra que l'on rattrape les premiers assez rapidement. Au moment de les doubler, on leur demande quelle direction prendre. Car voilà, quand on est en tête il faut savoir où est la bouée à virer. Et là justement on ne sait pas ou plus exactement on ne la voit pas. Le barreur du Cormoran de tête me dit d'abattre avec un sourire et au même moment j'aperçois la bouée sur tribord. Je crois à une blague et lofe en direction de la marque de parcours. Ça fonce, ça surf, que de sensation. On est maintenant devant d'au moins cent mètres. Sauf qu'à cent mètres de la bouée on est pris par le courant de jusant qui nous fais déraper.

un_vrai_sOn arrivera à la bouée vent arrière rattrapé par une dizaine de bateaux et surtout dépassé par le Cormoran qui ayant poursuivi sa route abattue a anticipé le courant et s'est fait déposer comme une fleur à la bouée avant tout le monde. Un très long bord de vent arrière (sans spi) ne nous est pas très favorable. Dans le dernier bord on se bagarre avec deux gros de notre classe. On en met un sur les deux derrière. On termine satisfait de notre prestation et quasiment convaincu d'être premier de la classe. Finalement on sera second. Je n'ai pas encore compris comment.

Une bien belle journée s'achève avec le plaisir d'avoir goûté aux sensations du surf en maraudeur. Il y a souvent des discussions sur la capacité du maraud à planer. A mon humble avis, il est incapable d'atteindre, avec ses seules voiles, une vitesse suffisante pour effectivement déjauger et se mettre à planer. Par contre, sur une belle houle, le maraudeur sans conteste déjauge et se montre un redoutable surfeur particulièrement bien équilibré sur la vague.

Texte : Francis Van Iseghem - Photos : Cécile Houplain